Les pionniers de l’informatique à l’école

Francis Massen a publié en 1989 dans le journal ReCréation No 5 de l’APESS une contribution sur les pionniers de l’informatique à l’école. Je me suis basé sur son article pour rédiger le présent récit.

Au Luxembourg, l’introduction de l’informatique dans l’éducation a démarré au début des années 1970. A l’Ecole Technique au Limpertsberg, Jos Lahr fut le premier à introduire un cours de programmation. Le seul équipement informatique disponible à l’école était une perforatrice sur laquelle les élèves rédigeaient des lignes de code FORTRAN sur des cartes perforées. Grâce à de bons contacts personnels, Jos Lahr avait l’autorisation d’utiliser l’ordinateur Siemens des CFL pendant les matinées du samedi. Il faisait la navette chaque semaine, emportant des bacs de cartes perforées et retournant avec des liasses de listings sur lesquels figuraient les résultats, respectivement les échecs en cas d’erreur de programmation. Cette situation perdurait jusqu’en juillet 1973, date d’acquisition du premier ordinateur scolaire luxembourgeois. Il s’agissait d’un mini-ordinateur HP 2100A, obtenu moyennant une opération complexe de leasing en raison des contraintes budgétaires.

Hilda Rau-Scholtus et Fred Tonhofer, les concepteurs de l’Ecole de Commerce et de Gestion (ECG), introduisirent des cours de COBOL en 1972 à l’ECG. Comme dans le cas de l’Ecole Technique, les programmes étaient encodés sur des cartes perforées et traités sur un ordinateur IBM à Luxembourg, soit sur un ordinateur en remote job à Bruxelles. Après la création du Centre Informatique de l’Etat (CIE) en 1974, l’ECG reçut une tranche horaire sur les machines du CIE pour traiter les programmes des élèves.

Au printemps 1973, Jos Lahr, Fred Tonhofer et Jean-Claude Asselborn donnaient un cours d’initiation informatique pour les enseignants luxembourgeois. Jean-Claude Asselborn était à l’époque responsable pour l’informatisation de la Sécurité Sociale. En 1975, il retourna à l’enseignement et devint responsable à l’ECG des cours spéciaux d’initiation à l’informatique pour économistes, en utilisant l’ordinateur de l’École Technique.

Un des participants aux cours d’initiation informatique pour les enseignants était Francis Massen du Lycée Classique de Diekirch (LCD). Il organisait lui même un cours informatique, basé sur le langage BASIC, pour ses élèves à partir de l’automne 1973. Comme le LCD ne disposait d’aucun équipement informatique, même pas d’une perforatrice, les élèves cochaient des cartes au crayon que le mini-ordinateur HP 2100A de l’Ecole Technique savait lire, grâce à un lecteur optique. Et c’était au tour de Francis Massen de faire la navette entre Diekirch et Luxembourg tous les samedi après-midis, avec un bac de cartes marquées au crayon, et de retourner tard le soir avec plusieurs mètres de papier-listing.

Au courant de 1975, le Lycée Classique d’Echternach se joignit aux clients de l’Ecole Technique. Aly Casel suivait l’exemple du LCD et organisait également un cours facultatif de BASIC. Les cours se multipliaient grâce à d’autres enseignants enthousiastes à Echternach comme Fernand Schmit, Lex Hastert, Guy Greisen et John Breden. Ces initiatives dans les lycées étaient bien vues par le Ministère de l’Education Nationale, notamment par le biais de l’attaché Ernest Weis qui était lui même un utilisateur autodidacte assidu du mini-ordinateur HP-2100A.

La deuxième moitié des années 1970 était caractérisée par l’apparition des premiers équipements informatiques dans les lycées. Suite à la commercialisation du premier microprocesseur 4004 par Intel en 1971 et de ses nombreux successeurs, développés par différentes firmes dans les années consécutives, les premiers micro-ordinateurs, bâties autour de ces puces, arrivèrent bientôt sur le marché, à des prix abordables. Au LCD, après l’acquisition d’une téléimprimante d’occasion Olivetti en 1975, Francis Massen et Jean Mootz firent l’acquisition, à titre privé, de deux microordinateurs personnels SWTPC6800 en kit, qui devenaient opérationnels en 1976. L’interpréteur BASIC qui tournait sur ces machines était plus puissant que celui du mini-ordinateur HP-2100A.

En 1977, le LCD obtint l’autorisation d’acquérir le même kit pour l’utilisation dans son cours informatique. Après l’assemblage du microordinateur par Francis Massen et Jean Mootz, le LCD fut le premier lycée du pays à posséder son propre ordinateur. Une année plus tard, l’ECG acquit un mini-ordinateur DEC PDP-11, muni de quatre terminaux, permettant un travail multi-user. L’exploitation en était assurée par Jean-Claude Asselborn, assistée de Lucien Berscheid. Au Lycée Technique des Arts et Métiers (LTAM), Nicolas Feiereisen équipa une salle de microordinateurs Commodore PET, avant d’introduire des kits Motorola 6800 pour ses techniciens en électronique. A Echternach, l’acharnement de Aly Casel aboutit à une soumission publique pour un équipement micro-informatique scolaire. Le résultat en fut un système de six machines Apple II, reliés par un réseau local Corvus, qui a été installé au printemps 1981. Peu de temps après, Nic Alff obtint une installation presque identique à l’Ecole Professionnelle d’Esch-sur-Alzette.

Par la loi du 21 mai 1979, l’Ecole Technique devenait l’Institut Supérieur de Technologie (IST). Sa mission était de dispenser un enseignement technique supérieur destiné à préparer aux fonctions d’encadrement technique dans la production, la recherche appliquée et les services. En automne 1979, l’IST organisa un cours du soir d’introduction à la technique des micro-processeurs qui s’adressait à des ingénieurs actifs dans l’industrie (notamment pour l’ARBED et les P&T) et dans l’enseignement. Le cours était dispensé par Marco Barnig qui avait rejoint l’Administration des P&T une année plus tôt.

En 1980, l’IST reçut un deuxième mini-ordinateur HP-1000, beaucoup plus performant et rapide que son prédécesseur, qui restait toutefois opérationnel.

Face à ces expériences variées, les responsables du Ministère de l’Education Nationale prirent conscience de l’importance d’élaborer une politique informatique scolaire cohérente.  A ces fins, une commission consultative, nommée Commission Technologies Nouvelles et Informatique, a été instituée.