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« ...nous sommes le transporteur des informations... » 

 

Entretien avec Marco Barnig, chef du service commercial de la Division des Télécommunications de l’Entreprise des P & T  

Faut-il vraiment encore attendre "vingt années supplémentaires avant que l'accès aux informations électroniques devienne une habitude quotidienne pour tout le monde" comme vous l’avez écrit récemment?   

Marco Barnig: Personnellement, j’ai commencé en 1974/75 à travailler avec ces technologies. A l’époque, ces technologies étaient réservées à l’usage des laboratoires. Aujourd’hui, elles sont connues par un grand public, mais je pense qu’il faudra encore vingt ans avant que «tout le monde» les emploie au quotidien, comme aujourd’hui le téléphone, la télévision ou le journal. Nous sommes face à trois problèmes: la technique, le prix et la convivialité. Il nous faut encore une génération d’usagers.   

Le magnétoscope vidéo a connu la même évolution, même si aujourd’hui on n’arrive toujours pas à le programmer ! L’exception qui confirme la règle c’est l’évolution du minitel en France. Le minitel est  devenu une habitude journalière: le terminal était facile d’utilisation, il était gratuit et il donnait accès à des informations indispensables dès ses débuts.   

Est-ce que, selon vous, la multitude des possibilités de communication offerte par les nouvelles technologies de l'information répondent à un besoin réel - d'aujourd'hui ou de demain? Ou est-ce que ce besoin est artificiel?   

Marco Barnig: D’aujourd’hui et de demain. Aujourd’hui, une minorité utilise les NTIC en réponse à un besoin réel, simplement parce que cette minorité connaît certaines applications. Mais pour s’intégrer dans le monde du travail de demain il va de soi qu’il va falloir connaître la manipulation d’un ordinateur et la communication sur les réseaux.   
  

Le monde devient numérique avec l'information digitale. Qu'en est-il de cette «information»: sa qualité, son authenticité, son actualité et sa fiabilité?   

Marco Barnig: Oui, bien sûr c’est un problème. En lisant EXPLORATOR ou encore le Luxemburger Wort on se fie à l’information d’un éditeur connu. Le même phénomène se reproduit avec la télévision. On sait qui diffuse l’information - ce qui n’est pas toujours le cas sur Internet. Une tendance est de ne consulter que les sites avec une «garantie de qualité». Pour connaître l’horaire des trains, on visiterait alors le site de la CFL. Mais encore faut-il trouver ces sites!  

Un autre problème est l’actualité de l’information: trop souvent on consulte des sites avec de la vieille information. Contrairement à l’information que contient la presse imprimée, l’information des sites sur Internet a une vie plus longue. Une fois digitalisée, l’information est stockée à bon prix et plus personne ne fait le ménage !   

Quelle sera l'évolution des prix sur le marché des télécommunications? Quelle est le positionnement de l'Entreprise des P & T par rapport à d'autres opérateurs de réseaux? Quels sont les futurs concurrents et quels sont les futurs alliés? Est-ce qu'il y aura des alliances avec des télécoms internationales?   

Marco Barnig: Il est clair que la concurrence sera acharnée. L’enjeu sont les clients à «grands comptes» avec des chiffres d’affaires de plusieurs millions par mois. Les prix sur ce marché vont tellement diminuer que la marge bénéficiaire sera énormément réduite. Le trafic international d’une grande banque luxembourgeoise représente un chiffre d’affaires de plusieurs millions par mois. Cet argent est plus aisément gagné qu’en connectant plusieurs milliers de particuliers.  

Pour l’instant, nous manquons d’une loi protégeant les P & T contre ces «concurrents déloyaux». Le Conseil d’Etat a donné son avis au Parlement qui, lui, pourrait voter ce projet de loi, probablement au courant de 1997. Actuellement, ce marché se trouve dans une zone grise - la loi qui est toujours en vigueur date de 1884.   

Ce nouveau projet de loi prévoit de distribuer des licences de différentes catégories à des sociétés luxembourgeoises ou étrangères. Chaque catégorie de licence autorisera l’opérateur à offrir tels services et l’obligera à payer telle somme comme droit de licence. Soit un cahier de charge obligera ces opérateurs à fournir également des services aux particuliers, soit les tiendra à alimenter un fonds étatique ...mais il m’est en ce moment très difficile de répondre à cette question. L’unique chose qui est certaine - déjà aujourd’hui - est que les P & T ont besoin d’un partenaire international afin d’offrir des services internationaux. Une alliance s’impose, mais les négociations avec les partenaires potentiels sont encore en cours ...et puis, il faudra encore l’accord du gouvernement. J’espère que ces décisions seront prises au courant de 1997.   
   
Le débat autour de la censure sur le Réseau ressemble souvent à un faux débat. Faut-il, selon vous, une institution, nationale et/ou internationale, pour contrôler le trafic d'informations sur Internet? Quel est le maillon à responsabiliser, à pénaliser le cas échéant: l'éditeur de l'information, le serveur d'hébergement ou les télécoms favorisant la circulation de l'information à travers leur câblage? Ou encore le consommateur de l'information - l'utilisateur final?  

Marco Barnig: Je ne pense pas que les P & T aient un avis officiel vis-à-vis de ces questions. A mon avis personnel, il faudrait punir l’utilisateur final, celui qui a fait le choix de recevoir une information. Je nous vois difficilement exercer une censure - déjà du point de vue technique cela me semble impossible. C’est une question qui nous ramène au problème de l’éducation. L’idéal serait évidemment une éducation qui responsabilise les citoyens face au traitement de l’information - leur réception et leur diffusion. Les lois régularisant l’édition-papier sont applicables à l’édition électronique, mais encore faudrait-il contrôler les sites. N’oublions pas que chaque citoyen peut dénoncer un site «illégal» ou encore «indécent» !  

 . . . de toute façon c’est plutôt dans les newsgroups que circulent les images dont les médias parlent tellement, que l’on trouve ces forums d’échange . . . est-ce que les P & T contrôlent à ce niveau-là?  

Marco Barnig: Les P & T n’ont pas de réglementation officielle, mais les personnes qui s’en occupent enlèvent certains groupes sur simple décision personnelle ...cela va de soi ! Mais je voudrais vous fournir un autre exemple où la justice a déjà tranché: les serviphones. Vous savez que les serviphones offrent avant tout des services érotiques. Lors d’une affaire récente, le tribunal a décidé que les P & T n’étaient pas responsables du contenu qui passait à travers leurs lignes.  

A l’intérieur des P & T il n’y a donc aucune instance qui est responsable pour le contenu d’un site WEB que vous hébergez ?  

Marco Barnig: Non, nous sommes le transporteur des informations électroniques, comme nous sommes le transporteur de lettres traditionnelles...  

Actuellement la réticence des PME envers les investissements en NTIC est importante. A quelle échéance les PME doivent réagir face à ce nouveau phénomène?   

Marco Barnig: Même si je viens de pronostiquer à vingt ans le moment où l’utilisation des NTIC fera partie des gestes quotidiens, cela ne signifie pas pour les entreprises d’attendre jusque là. Chacun a besoin de faire ses propres expériences avec ces nouveaux médias et demain l’acquisition de ce savoir sera une vraie valeur pour une entreprise.    
Les P & T sont évidemment à disposition des entreprises pour les conseiller, mais ils ne sont pas en mesure de livrer des conseils étudiés sur mesure: c’est le travail de sociétés privées. Par contre, les sociétés dont les P & T détiennent du capital, comme Editus par exemple, sont amenées à investir dans les NTIC. Editus a ainsi publié les «Waiss & Giel Seiten»   sur le réseau.    

Prenons l’exemple du «Vidéotex». Personne n’a gagné de l’argent avec cette technologie, mais   les investisseurs de l’époque sont aujourd’hui bien positionnés en matière d’Internet. Le «Club Automobile» par exemple, ou encore l’Imprimerie Centrale.   

Il est clair qu’il n’y ait pas de chiffres pour démontrer la rentabilité des investissements dans les NTIC - bien sûr il faut y croire , avant tout.  

"Aujourd'hui le taux des informations captées d'une façon indirecte sur base de conserves atteint presque 100% dans les pays industrialisés. Les conséquences de cette perte d'une prise de connaissance directe de la réalité sont très importantes pour la société." Pouvez-vous nous commentez vos idées déjà exprimées en 1995?  

Marco Barnig: ...les fameuses «conserves» : je parle évidemment, entre autres, de la presse écrite, de la télévision et de la radio. Aujourd’hui la quasi-totalité de notre savoir nous a été transmis par cette méthode qui a permis une énorme augmentation du volume de notre savoir. Aujourd’hui nous avons l’habitude de regarder plutôt une photo d’un arbre que d’aller dans la forêt pour en voir un vrai. La différence entre les deux visions d’un même arbre est la suivante : l’arbre sur la reproduction, supposons-le, a l’air d’être en pleine santé entouré de plein d’autres arbres. Nous avons une vision idéalisée de l’arbre. Supposons toujours que nous nous  rendions vraiment sur le lieu de la prise de vue : peut-être qu’en réalité nous découvrirons une usine pas très loin, un ciel gris et une odeur insupportable ... nous aurons vu le même arbre, et pourtant nous aurons deux avis différents ! L’information est constamment manipulée - volontairement ou involontairement. A chaque «conservation», l’information devient partielle. Les conséquences logiques sont une perte de la prise de conscience de la réalité. Alors, est-ce que la télévision interactive pourra être une solution intermédiaire?   

Entretien réalisé par François Altwies et Mike Koedinger dans le cadre de l’édition 1997 du City Guide EXPLORATOR (en automne 1996).  

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